Kyr. Ce prénom resonne dans mon crâne. Kyr Matt. Mon prénom, d'après Théo. Mon nom... Lonlyn. Kyr Matt Lonlyn. 16 ans. Théo me passe une bouteille d'eau, celle du garçon mort, à moitié vide, et je la finis. On mange et boit. Kyr Matt Lonlyn. C'est moi. Ce que je suis. Une personne. Mais pas que. Je suis le tribut des septièmes Hunger Games du District Cinq, de l'énergie. Je sais pas encore ce que c'est un District. Mais les Hunger Games sont des jeux organisés par... heu... quelqu'un, où des adolescents se battent jusqu'à la mort. Et où il n'en reste qu'un à la fin. Et dans cette arène, on doit arriver jusqu'au bout des huit salles. Il y a... tellement d'informations qui arrivent à mon cerveau en si peu de temps. Un panneau. «Vous devrez mettre tous vos objets donnés au début des jeux dans les boîtes, séparément. Une boîte où se trouvera vos armes. Une deuxième avec les produits alimentaire. Finalement, la troisième avec le reste des objets. D'autre directives vous seront donnés par la suite.» Je pose l'hache dans la première boîte, la B, avec l'arc et les flèches de Théo, plus le sabre du garçon. Pendant que Théo pose l'élastique, le walkie-talkie, la bâche, le filet  et la couverture dans la C, je mets la nourriture dans la A. Ensuite, je retourne près de Théo, en attendant la suite.

Spoiler:

Un nouveau panneau apparaît, avec 3 cadenas. Oh, merde... On va devoir rester ici pendant... deux jours.  Sans nourriture ni eau. Heureusement qu'on a bu. On va vraiment devoir rester ici pendant 48 heures sans rien faire? Bon bah... autant se faire à l'idée dès le début, on va passer deux jours ici. Je m'assois moi aussi, en croisant les jambes. «Bon, c'est pas que j'ai pas envie de me faire chier, mais trouvons un truc à faire... je sais que t'es amnésique, mais je peux t'apprendre des choses...» Heu... quoi? Je recoule légèrement. Il est... effrayant. Il fait peur. Je cherche une quelconque chose à dire, histoire de... d'éviter qu'il... me fasse... heu, voilà quoi. «Hum... qu'est-ce qu'un District? Et Panem?» Si ça se trouve, je vais me mordre les doigts pour avoir posé cette question. Mais bon. Au moins, il va pas me sauter dessus. Je l'espère. Mes yeux se posent sur le minuteur. Encore... beaucoup de temps. Vraiment beaucoup. Je veux m'en aller d'ici. Continuer jusqu'à la... victoire. Mais surtout, me rappeler des choses. «Heu... Qui es-tu? Mais surtout, qui suis-je pour toi? Du genre... un ami, un ennemi...» Kyr. Mon prénom continue à retourner dans ma tête. Encore et encore. C'est bien, mon petit padawan. Continue comme ça. Avec ta tête vide, tu vas quand-même pas aller très loin. Kyr.

«Mais... tu ne te souviens même pas de ça... Kyr, tu es mon âme sœur... tu me l'as dit toi-même...» Oh oh oh. On va pas un peu trop vite, là? «Mais... je n'ai aucun souvenir de toi, et je me rappelle pas de l'avoir...» Amnésie. Merde. Je baisse mon visage, en regardant mes pieds. Je... j'étais vraiment son... ''âme sœur''? Je le regarde. Où est le vieux Kyr? Celui qui savait qui est le garçon face à moi? Et s'il dit vrai... Qu'est-ce qu'il avait trouvé dans Théo? Qu'est-ce qui l'avait poussé à dire qu'il était son âme sœur? Pourquoi il l'aimait? Je me rapproche de lui. Et ensuite, je pose ma tête sur ses genoux, en tortillant la bande en peau que j'ai accrochée au poignet. Lui. Moi. Théo. Kyr. Je... J'ai aucune idée de ce que j'éprouve pour lui. La température monte. Je commence à transpirer, alors que respirer se fait plus difficile. Je peux imaginer à ce que je ressemble maintenant. Les joues rouges. Les yeux brillants. Les cheveux en bataille. Mon visage se retourne vers le minuteur. Putain. C'est pas près de se terminer. Je sens mes paupières se faire lourdes. La fatigue de... ces derniers temps semble s'accumuler dans chaque partie de mon corps. La tête toujours sur ses genoux, je ferme les yeux. «Bonne nuit, Théo.» C'est alors que je tombe dans un sommeil sans rêves.

À mon réveil, la température n'a pas baissé. Même pas un tout petit peu. Au contraire, on dirait qu'elle a augmenté. J'enlève ma veste, ainsi que mes pantalons. Merde. J'ai chaud. Vraiment chaud. Ma peau commence à rougir. Je transpire. Mes pensées se focalisent sur les bouteilles d'eau qu'on avait mis dans une de caisses. J'avais vraiment envie de boire, maintenant. Ma gorge est aussi sèche que le désert. Eau. Eau. Je retourne ma tête vers le minuteur. 18:00. Dix-huit heures. Merde. Putain. Encore dix-huit heures coincé ici. J'essaye d'essuyer mon visage dégoulinant de sueur avec ma veste, mais ça ne marche pas. J'ôte mes chaussures, dans l'espoir que mes pieds soient libérés de la sensation d'étouffement. Mais non. C'est trop chaud pour que ça fasse effet.

Je regarde Théo. Lui aussi souffre des mêmes symptômes que moi. En même temps, ce n'est pas étonnant. Une question me brûle les lèvres. Ha. Le jeu de mot pourri. «Dis, Théo...» Je cherche d'avaler de la salive, sauf que j'en ai plus. Parfait. «... comment est la vie au Douze?» Au défaut de pouvoir savoir comment on vit dans le Cinq, autant savoir comment on vit au Douze. Mon regard bleuté se pose sur la salle où je suis bloqué pendant encore... presque une journée. Vide. Chaude. Comme la mort.

J'en peux plus. Je veux sortir de ce four à grandeur d'homme. On dirait que le Capitole veut nous regarder cuire. J'essuie pour l'énième fois la sueur qui brille sur mon front. Je veux sortir d'ici. Même si je tombe sur un piège énorme, je veux sortir. Peu importe ce à quoi je vais devoir faire face. Je me demande où sont les autres tributs. Si eux aussi sont en train de cuire dans un four comme nous, ou bien s'ils sont en train de se geler dans un freezer géant. S'ils sont morts, ou vivant. Qu'est-ce qu'on devra faire, si jamais on arrive à sortir d'ici? Découper une jambe à l'autre? Boire son sang? Le... le tuer? D'ailleurs... réussirai-je à le tuer, si jamais ma vie est en jeu? Avec toute cette histoire de ''âme sœur''... Je n'ai aucune idée de la façon dont je dois agir. Si je dois mettre sa vie avant la mienne ou si je dois me méfier de lui. Il n'y a que la confusion dans ma tête.

Le minuteur affiche 00:05. Cinq minutes. 3000 secondes. J'ai survécu pendant 47 heures et 55 minutes. Je peux survivre encore cinq minutes. Je me ré-habille, même si c'est une torture. Je dois réussir. Je peux réussir. Théo aussi. C'est hors de question qu'il meure ici. On doit réussir à arriver jusqu'au bout. Ensemble. Même si je n'ai aucun souvenir de lui. On aura peut-être besoin l'un de l'autre, plus tard. Peut-être que sans l'autre, l'un meurt. Donc, autant essayer de vivre jusqu'au bout. 00:01. 60 secondes. Je vais bientôt sortir d'ici. M'en aller de ce four. Allez Kyr.

00:00. Zéro. Je me lève, et je vais vers une boîte, où je sais qu'il y a les bouteilles. Sauf qu'elle ne s'ouvre pas. J'essaye la première clé, la deuxième aussi... mais rien. PUTAIN! Là, je remarque que Théo m'a pas suivi. Il n'est pas là. Mais alors... je me retourne, et je le vois cracher du sang. Non... NON! Je cours vers lui, en essayant de voir si je peux faire quelque chose... mais c'est déjà trop tard. Je me lève, une expression démunie d'émotions sur le visage. Je retourne près des boîtes, en cherchant quelque chose de particulier. Jusqu'à que je le trouve. Une hache. Je la lève, en regardant la lumière qui se reflet sur elle, avant de retourner près de Théo. Je lève l'hache,  en regardant mon allié cracher la vie même. Ensuite, en visant un point précis de ton torse, je baisse mes bras. Et je répète ça. Encore. Et encore. J'entends un coup de canon. Et alors j'arrête. Le sang envahit le sol de la pièce. Je regarde ce qui était Théo. District Douze. Maintenant, c'est un corps semi-déforme. Mais je ne sens rien du tout. Dedans moi, il n'y a que le vide. Le vide plus... énorme. Comme si on m'avait tout aspiré. Je me baisse, en tâtant le liquide qui sort du corps de Théo. Je reprends mon hache, avant de lui ouvrir le crâne. Et je le vois. Un truc... grisâtre. Mon estomac gargouille. Mais je le laisse pas. Je... Je n'ai pas envie de toucher ce... ce truc. Je retourne près des boîtes. Je case le plus de choses possibles et utiles dans les sacs, avant d'en mettre un par épaule. Je laisse ici l'arc. De toute façon, je sais pas comment m'en servir. Le sabre, j'en aurais probablement pas besoin. Je baisse ma tête, et je vois le sang qui a tâché le bas de ma tenue. Bon, tant pis. Ensuite, je sors de cette salle infernale, hache à la main.. Je suis seul, maintenant. Et je n'ai plus rien à perdre.