Je débouchais finalement sur un terrain herbeux. Comment je savais ça alors que c'était visibilité zéro ? Beh. Mes pieds nus aidaient pas mal. Et les reflets de la lune faisaient le reste. La lune. Elle surplombait le décor d'une manière plutôt théâtrale. En tous les cas, il n'y avait plus que mon costume qui brillait encore dans ce décor lugubre. Ça devait être la même chose avec les autres tributs. Je pouvais voir mes ennemis arriver de loin. Mais le problème, c'est qu'on me voyait à dix kilomètres à la ronde. J'avais peur qu'une bestiole sauvage me saute dessus par surprise sans que je ne puisse rien y faire. Un ours... Un singe... Un monstre... Je m'attendais à un peu n'importe quoi. Je préférais rester les pieds sur terre, dans la réalité, et ne pas me faire trop d'illusions. Les créateurs de l'arène étaient vraiment des tordus. Je frissonnais. Non pas à cause de la réalisation que je venais de faire, surtout parce que j'étais trempée jusqu'aux os. Les températures semblaient avoir subitement baissé. Mes pieds étaient gelés. Je gardais néanmoins mes mains bien ancrées sur le manche de la faux. Je ne voulais pas faillir. Ma volonté était plus forte que ce stupide froid passager. Et j'allais bien finir par sécher, de toutes façons ! Courage Charlie, plus que quelques jours à tenir. Je devais gagner coûte que coûte. Pour sortir de cette putain de misère.

J'avais dormi là, probablement sans m'en rendre compte. La journée passée avait été longue. J'étais simplement tombée de fatigue. Enfin "journée" tout était relatif. Il faisait sombre tout le temps, en tous temps. Heureusement, mes pieds nus me permettaient de marcher en mode furtif. Personne ne pouvait m'entendre. En revanche, tout le monde pouvait me voir. Et ça, c'était tout de suite moins pratique. Je bus quelques gorgées d'eau et mangeais le reste de mes biscuits. La boite d'allumettes trônait à présent dans mes mains. Je pouvais faire un feu et cuir du poulet. J'allais me faire repérer à dix kilomètres à la ronde, mais ma foi, nos combinaisons étaient aussi lumineuses que des flammes. Je jetais une allumette... Allumée dans l'herbe. Les flammes commencèrent à jaillir. Je fis cuir deux cuisses de poulet et mangeais à la vitesse de l'éclair. Le feu se propageait rapidement. Il fallait que je déguerpisse du coin. Je m'élançais à travers les hautes herbes. Avec de la bonne nourriture dans l'estomac, c'était déjà plus facile de faire des efforts. Dans mon district, c'était rare que j'ai ce type d'aliment. Donc j'en profitais. Profiter de chaque instant. Parce que je savais qu'il restait d'autres prédateurs à abattre et que j'avais toutes mes chances de mourir. Je venais sans doute de condamner cette partie-ci de l'arène. Tant pis. Ça m'était franchement égal, du moment que je pouvais survivre à ces jeux de la faim.